fendant les eaux

Publié le par captainmimi

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C
<br /> Le soleil accable la ville de sa lumière droite et terrible ; le sable est éblouissant et la mer miroite. Le monde stupéfié s’affaisse lâchement et fait la sieste, une sieste qui est une<br /> espèce de mort savoureuse où le dormeur, à demi éveillé, goûte les voluptés de son anéantissement.<br /> <br /> <br /> Cependant Dorothée, forte et fière comme le soleil, s’avance dans la rue déserte, seule vivante à cette heure sous l’immense azur, et faisant sur la lumière une tache éclatante et noire.<br /> <br /> <br /> Elle s’avance, balançant mollement son torse si mince sur ses hanches si larges. Sa robe de soie collante, d’un ton clair et rose, tranche vivement sur les ténèbres de sa peau et moule exactement<br /> sa taille longue, son dos creux et sa gorge pointue.<br /> <br /> <br /> Son ombrelle rouge, tamisant la lumière, projette sur son visage sombre le fard sanglant de ses reflets.<br /> <br /> <br /> Le poids de son énorme chevelure presque bleue tire en arrière sa tête délicate et lui donne un air  triomphant et paresseux. De lourdes pendeloques gazouillent secrètement à ses mignonnes oreilles.<br /> <br /> <br /> De temps en temps la brise de mer soulève par le coin sa jupe flottante et montre sa jambe luisante et superbe ; et son pied, pareil aux pieds des déesses de marbre que l’Europe enferme dans<br /> ses musées, imprime fidèlement sa forme sur le sable fin. Car Dorothée est si prodigieusement coquette, que le plaisir d’être admirée l’emporte chez elle sur l’orgueil de l’affranchie, et, bien<br /> qu’elle soit libre, elle marche sans souliers.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Charles Baudelaire<br />
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